Dans la tradition islamique, les notions de halal (licite) et de haram (illicite) structurent une grande partie de la vie quotidienne, et l'alimentation occupe une place centrale dans cette distinction. Manger halal ne consiste pas seulement à éviter certains aliments, mais aussi à respecter une manière précise de produire, d'abattre et de consommer, avec l'idée d'obéir à la loi religieuse tout en respectant la création et la dignité de l'animal.
Le Coran énonce clairement plusieurs interdits alimentaires. Sont notamment prohibés la bête morte non abattue rituellement, le sang, la viande de porc et tout animal abattu au nom d'une autre divinité que Dieu. Ces interdits reviennent dans plusieurs versets et sont associés à la notion d'impureté ou d'abomination. En parallèle, un principe de souplesse subsiste: en cas de contrainte réelle ou de danger vital, il est permis de transgresser ces règles, à condition de ne pas le faire par goût du péché ou par provocation.
Pour la viande, l'abattage rituel est au cœur de la notion de halal. Un animal considéré comme licite par nature (bovin, ovin, volaille, etc.) ne devient réellement halal qu'à condition d'être abattu selon des règles précises. La personne qui procède à l'abattage doit être musulmane, et réciter une formule religieuse, le plus souvent "bismillah", au moment de trancher les artères du cou. Le geste doit être rapide, net et permettre l'évacuation du sang. L'idée est d'obtenir une mort aussi rapide que possible tout en respectant le cadre spirituel du sacrifice.
La question de l'étourdissement préalable (électronarcose ou autre procédé) fait l'objet de vifs débats. Beaucoup d'autorités religieuses refusent l'étourdissement lorsqu'il risque de tuer l'animal avant la saignée, ce qui rendrait la viande illicite. D'autres l'acceptent sous conditions, si la technique est réversible et ne provoque pas la mort avant l'abattage rituel. Cette discussion est particulièrement vive en Europe, où protection animale et liberté de culte doivent coexister dans un même cadre juridique.
La législation sur l'abattage rituel varie fortement d'un pays à l'autre. Certains États interdisent tout abattage sans étourdissement préalable, quelles que soient les motivations religieuses. D'autres prévoient des dérogations pour les communautés musulmanes ou juives, à condition que l'abattage soit effectué dans des abattoirs agréés, sous contrôle vétérinaire, par des sacrificateurs formés et habilités par des organismes religieux reconnus.
Au niveau européen, les textes encadrent le bien-être animal, les conditions techniques d'abattage et la protection de la liberté de culte. Les débats portent aussi sur la transparence vis-à-vis du consommateur, certains plaidant pour un étiquetage spécifique de la viande issue d'un abattage rituel. Entre exigences sanitaires, contraintes économiques et considérations religieuses, le statut de l'abattage halal reste un sujet sensible et régulièrement discuté.
Au-delà de la viande, d'autres produits sont classés haram. Le sang est considéré comme impur, d'où l'importance de la saignée lors de l'abattage. L'alcool et les boissons enivrantes sont également proscrits: plusieurs versets mentionnent leurs effets néfastes et invitent finalement les croyants à s'en abstenir totalement. La majorité des écoles juridiques considèrent donc le vin, les spiritueux et toute boisson fortement alcoolisée comme illicites.
Sont également interdits certains animaux carnivores, les bêtes partiellement dévorées par des prédateurs, ou encore ce qui a été sacrifié à d'autres divinités. Une partie de ces règles se retrouve déjà dans la tradition juive, ce qui montre un héritage abrahamique commun sur la question alimentaire. Malgré ces interdits, le Coran rappelle que la loi ne vise pas à rendre la vie impossible et réaffirme le principe de nécessité: en cas de danger réel, l'être humain ne doit pas mettre sa vie en péril pour respecter une règle alimentaire.
Lorsque quelqu'un se trouve dans une situation où il risque sa vie ou sa santé et ne dispose que d'aliments normalement interdits, il lui est permis d'en consommer une quantité suffisante pour survivre. Le texte insiste cependant sur l'intention: il ne s'agit pas de profiter de la situation pour transgresser par plaisir, mais de répondre à un besoin vital. Ce principe de nécessité rappelle que la loi religieuse doit rester au service de la vie humaine.
Dans l'histoire de la jurisprudence islamique, ce principe a souvent servi à adapter les règles alimentaires aux contextes de guerre, de famine, de voyage ou de contrainte. Il illustre la dimension pragmatique du droit musulman, qui cherche un équilibre entre fidélité au texte et prise en compte des situations concrètes.
Pour beaucoup de musulmans, la distinction entre halal et haram dépasse largement la seule question de ce qui se trouve dans l'assiette. Elle touche aussi à la façon de gagner sa vie, de consommer, de commercer et de se comporter avec les autres. Manger halal, c'est aussi veiller à ce que la chaîne de production respecte, autant que possible, l'honnêteté, la transparence, la sécurité sanitaire et, pour certains, le bien-être animal.
Dans de nombreux pays, l'offre halal s'est considérablement diversifiée. Des labels privés ou associatifs sont apparus pour certifier non seulement la conformité rituelle, mais parfois aussi des critères de qualité, de traçabilité ou de respect de normes supplémentaires. Cette évolution traduit la volonté d'inscrire les anciens principes dans des sociétés modernes et globalisées, tout en conservant le cœur de la distinction entre licite et illicite qui structure, depuis les origines, l'alimentation en islam.